Historique de la LCC à Madagascar

Des engagements de conscience à une stratégie nationale

Avant les grandes réformes institutionnelles, la Lutte Contre la corruption à Madagascar reposait essentiellement sur des démarches individuelles et des convictions personnelles. Quelques magistrats, agents publics, membres de la société civile, et simples citoyens œuvraient déjà pour défendre l’intégrité dans leurs domaines respectifs. Ces engagements, bien que louables, restaient dispersés et peu visibles, faute d’un cadre légal structurant. À cette époque, la corruption n’était pas encore considérée comme une priorité nationale, ni comme un frein direct au développement du pays.

2004 : Le point de départ d’une politique publique cohérente

L’année 2004 marque un tournant décisif. Pour la première fois, la Lutte Contre la Corruption devient une politique d’État à part entière. Le pays se dote d’un cadre juridique et institutionnel inédit :

  • La loi n°2004 – 030 du 12 octobre 2004 pose les fondations de la Lutte Contre la Corruption (LCC) ;
  • Le Bureau Indépendant Anti-Corruption (BIANCO) est créé, en tant qu’agence autonome et spécialisée ;
  • Une première Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC 2004 – 2014) est élaborée, avec une vision à dix ans.

Ce premier plan stratégique est novateur à plus d’un titre. Il associe les citoyens dès sa conception : près de 6 000 leaders d’opinion, issus de toutes les régions du pays, sont consultés pour faire émerger une approche commune. Il introduit également un lien essentiel entre lutte contre la pauvreté et Lutte Contre la Corruption, en affirmant que l’amélioration des conditions de vie des Malagasy est une condition de réussite incontournable.

Le modèle malagasy s’articule autour du schéma PRECISPrévention, Éducation, Conditions, Incitations, Sanctions – qui offre une vision systémique de la lutte. Ce modèle inspirera plusieurs pays africains dans l’élaboration de leurs propres stratégies.

Un engagement inscrit dans les dynamiques régionales
et internationales

La même année, Madagascar a ratifié la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC). Ce geste fort symbolise l’ouverture du pays vers une coopération régionale et internationale dans la lutte contre ce fléau global, en particulier pour la transparence, la récupération des avoirs et la responsabilisation des institutions.

De nouveaux outils pour faire face à un phénomène complexe

Entre 2008 et 2015, l’État renforce encore son arsenal. Plusieurs dispositifs complémentaires sont mis en place :

  • Création du SAMIFIN (Service de Renseignements Financiers) en 2008, pour lutter contre le blanchiment de capitaux ;
  • Élaboration de lois ciblées sur le blanchiment et le financement du terrorisme ;
  • Lancement expérimental de la Chaîne Pénale Anti-Corruption (CPAC), prélude à la création du Pôle Anti-Corruption (PAC).

Parallèlement, les institutions de l’État commencent à intégrer la Lutte Contre la Corruption dans leurs propres pratiques internes : des politiques sectorielles sont élaborées pour instaurer plus de transparence et de redevabilité.

Une vision renouvelée pour la décennie 2015 – 2025

La deuxième Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC 2015 – 2025) fixe un cap ambitieux : faire de Madagascar un État de droit, équitable et transparent, capable de garantir un développement économique, social et environnemental durable. Elle s’appuie sur des principes-clés : renforcement de la gouvernance, égalité devant la justice, promotion de la transparence, et renforcement des capacités institutionnelles.

Elle s’accompagne d’une série de réformes : loi sur la déclaration de patrimoine, élargissement des infractions de corruption, création des PAC à Antananarivo et Mahajanga, mécanismes internes de contrôle dans les ministères…

Mais malgré ces avancées, les résultats restent contrastés. L’indice de perception de la corruption (IPC) ne s’améliore pas de manière significative. Les ressources allouées à la lutte restent en deçà des engagements (0,14 % du budget national en 2022). Certaines réformes fragilisent même les institutions, en réduisant leur indépendance ou leur capacité d’action.

2025 – 2030 : Une stratégie pour consolider les acquis
et accélérer le changement

En 2025, Madagascar tourne une nouvelle page avec l’entrée en vigueur de la troisième Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption (SNLCC 2025 – 2030). Cette stratégie actuelle s’inscrit dans une logique d’ajustement, de consolidation mais aussi de rupture face aux blocages structurels identifiés.

Neuf effets sont attendus de sa mise en œuvre, notamment l’amélioration du comportement éthique des citoyens et des agents publics, une application plus effective des sanctions, le renforcement des mécanismes de contrôle, l’opérationnalisation des dispositifs de prévention, l’implication des collectivités territoriales, un accès élargi à l’information publique, une participation renforcée de la société civile, l’intégration systématique de l’intégrité dans les réformes sectorielles, et un pilotage institutionnel plus stable et coordonné. Cette stratégie ambitieuse vise à faire de l’intégrité un levier central de transformation de la gouvernance à Madagascar.

Conclusion

L’histoire de la Lutte Contre la Corruption à Madagascar est marquée par une lente mais réelle évolution : d’initiatives individuelles à une politique d’État, de principes à des institutions, de la sensibilisation à l’action. Elle est aussi le reflet d’une bataille encore inachevée, où les résistances sont fortes, mais où l’engagement des citoyens, des institutions, des partenaires et de la société civile ne faiblit pas.

La SNLCC 2025 – 2030 représente une chance décisive pour transformer ces efforts en véritables résultats. Elle porte l’espoir d’un État plus juste, d’une administration plus transparente, et d’un avenir où l’intégrité devient la norme, non l’exception.
La corruption n’est pas une fatalité. Elle se combat, pas seulement dans les tribunaux, mais aussi dans les consciences. Et c’est ensemble – institutions, citoyens, jeunes, médias, acteurs économiques – que Madagascar peut tracer le chemin vers une société intègre, équitable et digne.