Avant 2004, la Lutte Contre la Corruption à Madagascar reposait essentiellement sur des initiatives individuelles, des principes éthiques, et un engagement moral non encadré par des textes législatifs concrets. Bien que certains citoyens, magistrats, journalistes ou membres de la société civile aient tenté de dénoncer ou de contenir certains abus, l’absence de volonté politique structurée empêchait toute réponse systémique. La corruption, bien que présente, n’était pas encore considérée comme un problème national affectant sérieusement le développement du pays. Elle n’était donc pas inscrite comme une priorité dans les politiques publiques, et aucune disposition institutionnelle ni stratégie cohérente n’était mise en œuvre pour la combattre.
Le véritable tournant s’est opéré en 2004, lorsque Madagascar a ratifié la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC). Cet engagement international a constitué un catalyseur majeur. Pour la première fois, l’État malgache reconnaissait officiellement que la corruption représentait un obstacle au développement économique, à la justice sociale et à la confiance du peuple dans ses institutions. Cette ratification a marqué le début d’un processus de structuration de la lutte contre la corruption, avec la volonté de l’aligner sur les standards internationaux.
Dans la foulée, l’État a élaboré et lancé la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) 2004–2014, qui représente la première réponse politique, institutionnelle et légale cohérente à ce fléau. La SNLCC a introduit une vision claire : prévenir, éduquer, réprimer et réformer. Elle s’est articulée autour de plusieurs piliers stratégiques : la sensibilisation de la population à travers l’éducation à l’éthique, la répression effective des actes de corruption, le renforcement des capacités des institutions publiques, et l’amélioration du cadre légal et réglementaire.
Parmi les instruments clés mis en place dans le cadre de cette stratégie figurent la création du BIANCO (Bureau Indépendant Anti-Corruption), chargé d’enquêter et de prévenir la corruption de manière indépendante, et du CSI (Comité pour la Sauvegarde de l’Intégrité), en charge du pilotage stratégique et du suivi. Le secteur judiciaire a également été touché par la réforme avec l’instauration de structures spécialisées dans le traitement des infractions économiques et financières.
Malgré des avancées importantes en matière de sensibilisation, d’engagement citoyen et de renforcement institutionnel, les résultats de la SNLCC 2004–2014 sont restés en demi-teinte. La stratégie a souffert d’un manque de ressources, d’une application inégale, et surtout d’une volonté politique fluctuante selon les régimes successifs. La corruption a continué de s’enraciner dans plusieurs sphères de l’État et de l’économie, alimentée par l’impunité, les faiblesses du système judiciaire et une faible culture de redevabilité.
C’est dans ce contexte, et pour donner une assise légale plus forte à l’action anticorruption, que la loi n°2016-020 sur la lutte contre la corruption a été adoptée. Cette loi a formalisé de nombreuses dispositions issues de la SNLCC, tout en introduisant des mécanismes nouveaux, comme la protection des lanceurs d’alerte, l’élargissement des infractions couvertes, et une meilleure coordination entre les institutions impliquées dans la lutte contre la corruption. Elle s’inscrit dans une continuité et vise à corriger les lacunes observées pendant la mise en œuvre de la stratégie précédente.
Ainsi, la période 2004–2014 représente une étape fondatrice dans l’histoire de la lutte contre la corruption à Madagascar. Elle a permis de passer d’une phase de principes moraux et d’initiatives isolées à une politique publique dotée d’une stratégie nationale, d’institutions dédiées et d’un cadre juridique évolutif. Malgré ses limites, la SNLCC a ouvert la voie aux réformes actuelles et futures en matière de gouvernance et d’intégrité. Elle a posé les premières pierres d’un système où la transparence et la responsabilité peuvent, à terme, devenir des normes durables.
