JOURNEE AFRICAINE DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION 2025
Thématique : « Promouvoir la dignité humaine dans la lutte contre la corruption » Madagascar, 11 juillet 2025.
Excellences,
Honorables invités, en vos rangs et grades respectifs, tout protocole observé,
Mesdames et Messieurs,
Le Conseil Consultatif de l’Union Africaine contre la corruption a placé la célébration de la Journée Africaine de la lutte contre la corruption cette année sous le thème « Promouvoir la dignité humaine dans la lutte contre la corruption » ; ce thème n’est pas un simple slogan, il constitue l’essence même de notre combat, la justification ultime de nos efforts collectifs pour combattre la corruption.
Si ce thème a été choisi dans une dimension continentale c’est pour nous permettre d’aborder une question cruciale en cette journée de célébration de la lutte contre la corruption en Afrique, un sujet qui se trouve bien au centre névralgique de notre avenir collectif.
Le triptyque « Africanisme, Dignité Humaine et Lutte contre la Corruption » n’est pas une simple formule rhétorique ; il représente le combat fondamental de notre génération, un combat pour l’âme même de notre cher continent. D’ailleurs, la vision de Madagascar pour 2030, qui est de devenir une île d’intégrité où les réseaux de corruption et l’impunité ne freinent plus le développement durable, s’inscrit pleinement dans cette quête.
L’Africanisme, dans son essence la plus pure, est né d’une profonde blessure historique, celle de la dignité niée. Il est le fruit d’une quête inlassable de réhabilitation, une affirmation puissante de notre humanité face aux siècles de domination qui ont cherché à nous réduire au statut de sujets.
Des figures tutélaires comme Kwame Nkrumah, Patrice Lumumba ou Thomas Sankara ne luttaient pas seulement pour l’indépendance politique ; ils luttaient pour la restauration de la dignité de l’homme et de la femme africains, pour notre droit inaliénable à être les maîtres de notre propre destin. L’Agenda 2063 de l’Union Africaine est l’écho contemporain de cette ambition : une Afrique souveraine, prospère, pacifique, dirigée par ses propres citoyens. Incarnant ainsi une véritable vision de dignité.
Or, si l’Africanisme est cette quête de dignité, la corruption en est l’antithèse absolue, la trahison la plus intime. Elle est l’instrument d’une nouvelle déshumanisation, une servitude volontaire qui n’est plus imposée de l’extérieur, mais qui ronge nos sociétés de l’intérieur.
Comment parler de dignité quand un citoyen doit payer un pot-de-vin pour accéder à un soin médical, un droit fondamental ? Comment parler de dignité quand l’avenir d’un enfant est bradé contre une place à l’école obtenue par favoritisme ? La corruption instaure une relation de pouvoir asymétrique et humiliante. Elle contraint le citoyen à la posture du suppliant, niant ainsi son statut et sa valeur. Comme nous l’avons malheureusement constaté, elle peut également se traduire par des souffrances concrètes, telles que des intoxications alimentaires dues à des contrôles défaillants ou des coupures d’électricité qui paralysent la vie quotidienne et privent nos familles de services essentiels.
Plus encore, en capturant les ressources de nos États, la corruption sabote l’idéal africaniste de souveraineté. Elle nous maintient dans un cycle de dépendance, nous empêchant de financer nous-mêmes notre développement et de nous affirmer comme des acteurs à part entière sur la scène mondiale. Elle est le principal agent d’une dépendance néocoloniale qui ne dit pas son nom.
Dès lors, la lutte contre la corruption doit être arrachée au seul vocabulaire technique de la « bonne gouvernance ». Elle doit être revendiquée haut et fort comme un impératif africaniste. C’est un combat de libération.
Lutter contre la corruption, c’est lutter pour notre souveraineté réelle, pour que les richesses de l’Afrique profitent enfin aux Africains.
Lutter contre la corruption, c’est lutter pour la justice sociale, pour une société où le mérite l’emporte sur le népotisme et où chaque citoyen a une chance équitable de réussir.
Lutter contre la corruption, c’est affirmer notre capacité à construire une gouvernance responsable, en mettant en œuvre les instruments que nous avons nous-mêmes créés, à l’instar de la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption, que Madagascar a ratifié en 2004.
En somme, notre combat pour une Afrique digne et souveraine passe inéluctablement par une victoire décisive contre la corruption. Ce n’est pas seulement une question de chiffres ou de classement dans des indices internationaux. C’est la condition sine qua non pour réaliser la promesse de nos indépendances, la promesse d’une Afrique où chaque citoyen peut se tenir debout, la tête haute, dans la pleine jouissance de sa dignité. Comme le souligne la Stratégie Nationale de Lutte Contre la Corruption (SNLCC) 2025-2030, adoptée avec le soutien d’acteurs internationaux tels que le PNUD et l’ONUDC, l’objectif est d’éliminer l’impunité, de promouvoir l’imputabilité et de cultiver une culture d’intégrité partagée par tous. Ce combat est fondamental pour l’âme de notre continent.
Excellences, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention et de votre engagement.